Pour la première fois depuis un siècle : L’artiste peintre Nasreddine Dinet est mis en lumière à Paris

Pour la première fois depuis un siècle, le peintre Etienne Dinet est mis en lumière à Paris. Reconnu de son vivant, cet artiste français (1861-1929), dont les quelque 600 toiles sont disséminées dans les collections muséales du monde entier et des collections privées, est tombé dans l’oubli. Oublié ou mis de côté? «Il y a un peu des deux», avance Mario Choueiry, le commissaire de l’exposition «Etienne Dinet : passions algériennes» qui s’est ouvert lundi à l’Institut du monde arabe (IMA). C’est la première fois qu’un musée lui consacre une rétrospective depuis 1930. Si l’artiste semble avoir disparu des radars, ses toiles sont, elles, très recherchées sur le marché de l’art et depuis une vingtaine d’années, selon des experts. Né dans une famille de la haute bourgeoisie, Etienne Dinet – qui se fera appeler Nasreddine au moment de sa conversion à l’islam en 1913 – découvre l’Algérie en 1884. Il en tombe immédiatement amoureux et s’y installe définitivement en 1904. Sa fascination? Le désert, ses couleurs et ses habitants qu’il peint de façon réaliste. Éclatantes, ses toiles, qui jouent avec le bleu, le rouge et l’ocre, ressemblent à des photographies. «Il a voulu figer un monde qu’il craignait de voir disparaître», décrypte l’éditrice Ysabel Saiah Baudis, qui a republié la biographie du prophète de l’islam, écrite par Etienne Dinet. «Ses toiles sont fidèles à la réalité dans ses moindres détails», complète Choueiry, évoquant notamment les tenues et parures des femmes qu’il dessine. Ses toiles rencontrent un succès immédiat. A cette période, la France vit une fièvre orientaliste et Delacroix, Renoir, Ingres se prêtent à l’exercice dont Dinet est l’un des principaux représentants. Au fil des années, le genre est mis de côté, car jugé désuet. Ce sont les années 50 qui l’enterrent définitivement. Associé au colonialisme, «l’orientalisme va être combattu idéologiquement», analyse l’historien Benjamin Stora. Les orientalistes sont accusés de déformer le regard d’exotisme. Pour leurs détracteurs, ils sexualisent et réifient les corps des femmes colonisées, le nu étant très répandu chez ces peintres. Dinet lui-même a peint un certain nombre de femmes nues, dont les tableaux sont exposés à l’IMA, n’échappant pas aux critiques des militants anticolonialistes. «C’est quelqu’un qui s’est immergé avec sincérité dans la culture arabe, en a épousé les codes et a appris la langue», défend Ysabel Saiah Baudis. «Il a une place à part chez les orientalistes», poursuit-elle. Pour Stora, Dinet est victime d’un double regard : «Celui anti-orientaliste, plutôt à gauche, et un autre anti-islam, plus à droite», assure-t-il. Etienne Dinet ne s’est pas contenté de peindre le quotidien des colonisés. Il a aussi porté leurs voix auprès des autorités françaises, rappelle Choueiry. «Il a critiqué l’attitude de la France pendant la colonisation, a dessiné les stèles des soldats musulmans morts pour la France et s’est battu pour que ces derniers ne soient pas enterrés sous des crucifix», détaille-t-il.