Histoire et mémoire : La grande bataille d’El-Djorf ou le mythe de l’armée française invincible brisé
La grande bataille d’El-Djorf, qui s’est déroulée du 22 au 29 septembre 1955, dans la wilaya de Tébessa, relevant durant la Révolution de la première zone militaire, constitue un des épisodes majeurs de l’histoire du combat armé pour l’indépendance, qui a brisé le mythe de l’armée française invincible. Les évènements de ce haut fait d’arme, appelé Mère des batailles ou Oum el maârik, dont la wilaya de Tébessa célèbre le 69e anniversaire, demeurent gravés dans les annales de la Révolution libératrice et suscitent encore aujourd’hui l’intérêt des historiens. Et pour cause, cette bataille a, non seulement, profondément secoué l’armée française, mais a permis de démasquer la politique perverse de la colonisation française. Des enseignants d’histoire de l’université Larbi-Tebessi de Tébessa ont indiqué que « la grande bataille d’El-Djorf a été un tournant décisif dans l’histoire de la Révolution libératrice en dépit des effectifs réduits de moudjahidine et leurs faibles munitions ». « La tactique élaborée par les moudjahidine et leur cohésion ont fait essuyer à l’armée de colonisation française une défaite humiliante et permis d’internationaliser la cause algérienne », ont-ils souligné. Pour l’enseignant Abdelouahab Chellali, « le transfert tactique du centre de commandement de la première zone militaire de Khenchela à Oued Hellal (Tébessa), suite à l’arrestation du chef militaire, héros de la Révolution Mustapha Benboulaïd a permis le rapprochement des chefs militaires des moudjahidine en base, la diversification des tactiques militaires et l’atténuation de la pression exercée sur les moudjahidine dans le Nord-Constantinois après l’offensive du 20 août 1955 ». De son côté, l’enseignant Farid Nasrallah a indiqué que « les chefs de la Révolution dans la première zone militaire, à leur tête Bachir Chihani, Abbas Laghrour, Adjel Adjoul, El Ouardi Guettal et Farhi Saï, ont planifié cette bataille dix mois après le déclenchement de la Révolution afin que la question algérienne prenne une dimension internationale ». Pour sa part, l’historien Djoudi Bekhouche est revenu sur la réunion de Ras Tarfa, ayant regroupé la majorité des chefs de la première zone militaire et les notables de la région sous le commandement de Bachir Chihani, qui avait prononcé, à l’occasion, un discours éloquent sur la libération du pays, qui exigeait des sacrifices et une mobilisation populaire sous l’étendard de l’Armée de libération nationale (ALN) et du Front de libération nationale (FLN). L’enseignante universitaire Maha Aïssaoui a affirmé, pour sa part, que « cette bataille a été minutieusement planifiée et préparée », s’appuyant sur « la participation de la majorité des chefs de la première zone militaire et sur la grande mobilisation ayant permis de briser l’arrogance militaire du colonisateur français ». Selon des études historiques, 400 moudjahidine se sont opposés, huit jours durant, à plus de 40.000 soldats français. L’armée d’occupation a essuyé lors de la bataille d’importantes pertes humaines et logistiques, avec 700 soldats français tués, plusieurs avions de combat et un nombre important de véhicules militaires et chars détruits, tandis que 170 moudjahidine sont tombés en martyr. Le secrétaire de wilaya de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), Mohamed Cherif Douaifia, a estimé, quant à lui, que « la grande bataille d’El-Djorf a été un échec douloureux pour l’armée d’occupation et une victoire historique pour les révolutionnaires de l’Armée de libération nationale. Cette bataille a été un tournant décisif pour la Révolution algérienne car elle a permis l’inscription de la question algérienne à l’ordre du jour de la 10e session de l’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies (ONU) le 30 septembre 1955, lui valant un soutien international ».

