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Droits de douane : Trump met à exécution sa guerre commerciale contre le Canada, le Mexique et la Chine

Donald Trump impose à partir d’hier, samedi, des droits de douane au Canada et au Mexique et à la Chine, a annoncé hier soir la Maison-Blanche.

La porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a annoncé vendredi soir que les droits de douane voulus par Donald Trump, et prévus à compter du 1er février contre les produits provenant du Canada, du Mexique et de la Chine, entreront bien en vigueur ce week-end. «Le président va imposer demain 25 % de droits de douane sur le Mexique, 25 % de droits de douane sur le Canada et 10 % de droits de douane sur la Chine pour le fentanyl illégal qu’ils produisent et dont ils permettent la distribution dans notre pays», a déclaré la porte-parole. Selon l’agence Reuters, la porte-parole de la Maison blanche a refusé de confirmer de possibles exemptions, après qu’un membre de l’administration de Donald Trump ait déclaré à l’agence que le président américain étudiait la possibilité d’autoriser de rares dispenses sur certains produits. Par ailleurs, la porte-parole de la présidence a précisé qu’il n’y aurait pas de retour en arrière de dernière minute quant à cette décision. Jusqu’au dernier moment, le Canada et le Mexique, théoriquement protégés par un accord de libre-échange les liant avec les États-Unis, avaient espéré éviter une telle issue. Le ministre canadien de la Sécurité publique, David McGuinty, est même venu jeudi à Washington présenter les contours d’un plan visant à renforcer la sécurité de la frontière canado-américaine. Côté mexicain, la présidente Claudia Sheinbaum a assuré vendredi discuter «avec le gouvernement américain et (avoir) avancé sur différents sujets». «Des accords sont trouvés tous les jours», avait-elle précisé. Insuffisant néanmoins en l’état, dans l’esprit de Donald Trump, qui reproche aux trois pays de ne pas lutter assez contre le trafic de fentanyl vers les États-Unis : la Chine en permettant aux principes actifs d’être exportés vers les deux autres pays, où les cartels mexicains produiraient l’opioïde, avant de le déverser sur les Américains. Plusieurs éléments restent cependant inconnus : quelle sera la portée des droits de douane – ciblés ou généralisés – et quel outil légal Donald Trump emploiera pour justifier la décision ? La mesure pourrait ouvrir la porte à des recours, tant en justice, de la part des États concernés, ou d’entreprises américaines touchées par la décision, que dans le cadre des procédures de règlement des conflits prévus dans le cadre de l’accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Selon Oxford Economics, l’économie américaine risque de perdre 1,2 point de pourcentage de croissance, tandis que le Mexique pourrait plonger dans la récession. «Les principales exportations du Mexique sont l’alimentation, les équipements de transport et l’électronique. Ils concernent plus de 50 % des exportations du pays et une part important de l’activité industrielle», a rappelé Joan Domene, analyste pour Oxford Economics, interrogé par l’AFP. Wendong Zhang, professeur à l’Université Cornell, envisage pour sa part un choc moindre pour les États-Unis et plus marqué pour le Canada et le Mexique. «Dans un tel scénario, le Canada et le Mexique peuvent s’attendre à voir leur PIB reculer respectivement de 3,6 % et 2 %, les États-Unis de 0,3 %», a-t-il ainsi estimé. Pékin aussi «souffrirait d’une escalade de la guerre commerciale existante, mais bénéficierait en même temps (des tensions entre les États-Unis), le Mexique et le Canada». Une autre raison justifie la mise en place de ces droits de douane sur les produits canadiens et mexicains : le président Donald Trump pourrait en réalité chercher à accélérer le calendrier de révision du traité de libre-échange nord-américain, signé durant son premier mandat, estiment plusieurs spécialistes. Lors de sa première entrée à la Maison-Blanche, le républicain avait dénoncé l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna), qu’il estimait être injuste pour les États-Unis, et forcé ses deux voisins à négocier un nouveau traité, l’accord Canada-Etats-Unis-Mexique (Acéum ou USMCa en anglais). L’accord — alors présenté par le président américain comme «le meilleur et le plus important accord commercial jamais signé par les États-Unis» — prévoit une clause de revoyure, à compter du 1ᵉʳ juillet 2026, qui permet aux trois pays d’adapter ou de mettre fin au traité. Dans les faits, «les travaux ont déjà débuté, car les trois pays font le point sur ce qu’ils souhaitent demander lors de cette revue», a souligné à l’AFP Kathleen Claussen, professeure de droit de l’université de Georgetown. En menaçant ses deux partenaires d’imposer 25 % de droits de douane, Donald Trump vient pourtant remettre en question dès à présent l’accord. «Il s’agit juste de créer suffisamment de pression pour obliger les parties à revenir à la table de négociations. Je pense qu’elles préféreront cela à la perspective d’un litige commercial», a aussi indiqué Kathleen Claussen. En particulier, la question du secteur automobile pourrait être centrale : l’industrie automobile nord-américaine est très imbriquée, un véhicule passant plusieurs fois les frontières des trois pays durant son cycle de fabrication. Donald Trump «ne va pas renégocier les 3.700 pages de l’accord, je pense qu’il veut renégocier les parties liées à l’automobile, afin d’empêcher l’assemblage de véhicules électriques chinois au Mexique, ce qui n’est actuellement pas le cas», détaille Arturo Sarukhan. Deux aspects attirent l’attention du président américain, estime Arturo Sarukhan : les équipements électroniques des véhicules connectés et les véhicules électriques chinois. En cela, le dirigeant s’inscrit totalement dans les pas de son prédécesseur Joe Biden, qui a déjà interdit l’importation de véhicules électriques chinois aux États-Unis, un marché jusqu’ici inexistant, mais aussi l’intégration de composants chinois aux véhicules connectés vendus aux États-Unis, quel que soit son lieu de production. Reste à voir dans quelle mesure le Canada et le Mexique accepteront de renégocier l’accord, sachant qu’ils sont à la fois de gros exportateurs vers les États-Unis, mais aussi d’importants acheteurs pour leur voisin. Une chose est en tout cas certaine : en imposant ces nouvelles taxes, le président américain remplit aussi un objectif politique central : montrer au peuple américain qu’il joint sa parole à l’action.

 

 

 

 

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