Va-t-on manquer de diesel cet hiver en Europe ? C’est un risque sur lequel alerte l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son rapport mensuel sur le pétrole publié jeudi 12 octobre.
Selon l’AIE, de possibles pénuries sont possibles cet hiver en Europe.Elle estime, en effet, que l’Europe aura besoin «d’importations soutenues» en provenance d’autres pays, mais que des contraintes particulières en hiver sur la qualité du diesel pourraient «limiter» les approvisionnements. Selon l’agence, «il faudra peut-être un autre hiver doux pour éviter les pénuries». En cause notamment, l’embargo instauré par l’Union européenne sur le pétrole brut russe en vigueur depuis 10 mois. Depuis le 5 février, il est, en effet, interdit aux Vingt-Sept d’importer de Russie des produits raffinés (depuis le 5 décembre 2022 pour le brut) du pétrole (diesel, essence, mazout, kérosène…). L’objectif : assécher la rente pétrolière de Moscou en réponse à la guerre lancée par la Russie contre l’Ukraine depuis février 2022. «Dix mois après l’entrée en vigueur de l’embargo de l’UE sur le brut russe, les raffineurs européens peinent toujours à augmenter leurs taux de traitement et leur production de diesel», explique l’AIE dans son rapport. Alors que l’Europe semble avoir «peu d’options» pour «améliorer» ses niveaux de couverture des stocks dans les mois à venir, «un rebond des rendements des raffineries» conjugué à davantage d’importations apparaît «nécessaire», selon l’AIE. Pourtant, malgré les deux embargos décidés par l’UE, du pétrole russe pourrait bien parvenir jusqu’à l’Europe, notamment en Allemagne. Cette dernière a multiplié par douze sur un an (entre janvier et juin 2023) ses importations de produits pétroliers en provenance d’Inde. Or, ce pays achète et transforme du pétrole russe. Le 12 septembre dernier, l’institut allemand de statistique, Destatis, expliquait, en effet, que «l’Inde importe de grandes quantités de pétrole brut de Russie depuis l’invasion de l’Ukraine» et exporte aux entreprises allemandes «du gazole», produit à partir de brut. En conséquence, «il est très plausible que l’Allemagne et d’autres pays européens achètent implicitement du pétrole russe» de cette manière, a estimé George Zachman, expert énergie du think tank bruxellois Bruegel, auprès de l’AFP. «Si du diesel ou de l’essence entre en Europe […] en provenance d’Inde et produits avec du pétrole russe, c’est certainement un contournement des sanctions et des mesures doivent être prises», avait, en outre, dénoncé le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell, peu avant. Il demeure néanmoins un climat de tensions sur l’approvisionnement qui pèse sur les prix du gazole à la pompe. En France, notamment, ils dépassent les prix de l’essence depuis fin septembre. La semaine dernière, ils atteignaient ainsi 1,89 euro le litre contre 1,86 euro pour le super sans plomb 95-E10. Pour éviter de voir grimper encore davantage la note des automobilistes, le gouvernement français avait annoncé, mi-septembre, vouloir autoriser la vente à perte d’essence pour les distributeurs. «Comme certaines enseignes l’ont fait remarquer, elles ne peuvent pas baisser davantage leurs prix, car la loi leur interdit de revendre à perte. Aujourd’hui, je vous annonce qu’à titre exceptionnel sur le carburant et sur une période limitée […], nous allons lever cette interdiction, ce qui permettra aux distributeurs de baisser davantage les prix», avait ainsi expliqué Elisabeth Borne dans les colonnes du Parisien.
Une initiative finalement laissée de côté, les distributeurs s’étant montrés opposés à une telle mesure. Pour autant, certains vendent déjà leur carburant à prix coûtant. C’est également le cas de TotalEnergies qui, le 12 septembre dernier, a répondu favorablement à l’appel du gouvernement l’incitant à plafonner ses prix jusqu’à la fin de l’année. «Je souhaite que TotalEnergies, qui a pris un engagement de plafonner les prix de tous les carburants, diesel et essence, à 1,99 euro jusqu’à la fin de l’année, prolonge ce plafonnement (…) au-delà du 31 décembre 2023», avait, en effet, affirmé le ministre de l’Economie au micro de Franceinfo. Le groupe pétrolier plafonne actuellement les prix dans 2.600 de ses stations sur le SP-95, le SP-98 et le diesel, et a donc annoncé qu’il prolongera l’an prochain cette mesure « tant que les prix resteront élevés ». Le géant pétrolier a néanmoins menacé, le 6 octobre dernier, de mettre fin à ce geste en cas de nouvelle taxe de l’Etat, selon des propos de son PDG Patrick Pouyanné, rapportés par le site Actu Lyon. Un amendement au PLF, déposé par plusieurs députés de la majorité dont le rapporteur général au Budget Jean-René Cazeneuve, propose, en effet, de reconduire pour un an la contribution de solidarité sur les profits des groupes pétroliers. Ils motivent leur amendement par le «caractère prolongé de l’inflation des prix de l’énergie». Interrogé sur un éventuel prolongement du plafonnement à 1,99 euro le litre de carburant par les stations TotalEnergies, Patrick Pouyanné a ainsi répondu : «Je l’ai dit pourl’année 2023, le gouvernement demande à prolonger. Mais s’il veut aussi mettre des taxes sur le raffinage, je ne sais pas si on le prolongera». «Le débat actuel me paraît un peu étrange. Je pense que c’est une mesure efficace et donc on va la maintenir le temps qu’on peut. Si l’Etat nous ajoute des taxes, on reconsidérera la mesure. Je suis convaincu que la bonne méthode, c’est que Total fasse profiter directement le consommateur des efforts que nous faisons plutôt que de passer par des taxes», a-t-il insisté.
R.E.