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En ébullition face aux multiples contraintes qu’ils rencontrent : Les agriculteurs européens manifestent leur colère  

Les revendications des agriculteurs européens divergent d’un pays sur l’autre, mais tous sont en colère.
Des Pays-Bas à la Roumanie, en passant par l’Allemagne et la France, ils sont en ébullition face au prix du carburant, à la concurrence ukrainienne et aux contraintes européennes. Une fronde que la Commission européenne espère réussir à calmer cette semaine en organisant «un dialogue stratégique». Les agriculteurs français ne sont pas les seuls actuellement en lutte contre leur gouvernement. Chez les voisins européens aussi – Allemagne, Pays-Bas, Roumanie, Pologne, Slovaquie, Hongrie, Bulgarie – la fronde se manifeste. En France, depuis jeudi soir dernier, les agriculteurs bloquent des autoroutes dans le sud-ouest et se rassemblent sur des ronds-points. D’autres actions sont prévues toute la semaine à l’appel du premier syndicat agricole, la FNSEA. Pour tenter de calmer la colère des agriculteurs, le Premier ministre Gabriel Attal devait recevoir son président, Arnaud Rousseau, lundi à 18h00, avec son homologue des Jeunes agriculteurs (JA) Arnaud Gaillot. Ce dernier a déclaré sur la chaine de télévision France 2 que, si le gouvernement «n’est  pas au rendez-vous, on peut être à l’aube d’un gros mouvement agricole». Les agriculteurs protestent contre la hausse des coûts de production et les obligations environnementales croissantes. Tout comme leurs voisins allemands, mobilisés eux depuis plusieurs semaines déjà. Outre ces deux points clés, ils sont vent debout contre la charge administrative qui incombe à leurs exploitations et également contre la réforme de la fiscalité sur le diesel agricole. Dans le détail, elle prévoit à partir de 2026 la suppression d’une exonération dont ils bénéficiaient. A ce sujet, ils ont obtenu des engagements du gouvernement allemand. La coalition gouvernementale au pouvoir a accepté d’échelonner la suppression de l’exonération jusqu’en 2026 et promet moins de bureaucratie. Mais il lui sera difficile de faire davantage au moment où elle doit économiser plusieurs milliards de dépenses budgétaires pour se conformer à un rappel à l’ordre des juges constitutionnels. C’est des Pays-Bas, ce petit pays de près de 18 millions d’habitants, deuxième exportateur mondial de produits alimentaires derrière les États-Unis, qu’est partie la fronde du monde agricole en juin 2022. Aux Pays-Bas, un projet gouvernemental de faire baisser les émissions d’azote en réduisant le cheptel avait poussé des milliers d’agriculteurs néerlandais dans la rue. Au volant de leurs tracteurs, ils bloquaient les autoroutes et protestaient devant les domiciles de responsables politiques. Après des mois de contestation, la révolte contre l’exécutif s’est traduit par un raz-de-marée électoral d’un jeune parti rassemblant des agriculteurs, le Mouvement agriculteur-citoyen (BBB), qui a fait une entrée en force au Sénat en mars 2023, mais a remporté finalement moins que prévu aux élections générales de novembre. L’«exaspération» a aussi gagné ces derniers mois la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Hongrie ou la Bulgarie. Les producteurs dénoncent essentiellement la «concurrence déloyale» de l’Ukraine, accusée de brader le prix de ses céréales. Car dans la foulée du conflit avec la Russie, l’UE a suspendu en mai 2022 les droits de douane sur tous les produits importés d’Ukraine, et créé des «corridors de solidarité» pour permettre à Kiev de faire transiter ses stocks de céréales. Sauf que beaucoup de denrées ont fini par s’accumuler chez ses voisins européens. Vent debout contre cet afflux de blé ou de maïs, les agriculteurs bulgares et roumains ont sorti leurs tracteurs pour bloquer les postes-frontières avec l’Ukraine. En Pologne, les manifestations ont poussé à la démission en avril 2023 du ministre de l’Agriculture. Cela n’a pas éteint leur colère : les exploitants polonais ont commencé à bloquer en novembre, avec les routiers, les points de passage avec l’Ukraine. Les agriculteurs ont suspendu leur blocus le 6 janvier après un accord avec le gouvernement polonais, qui prévoit des subventions. En Roumanie, les agriculteurs ne lâchent pas non plus la pression sur le gouvernement, manifestant de nouveau le 14 janvier contre des taxes jugées exorbitantes. La Commission européenne doit dévoiler prochainement ses intentions sur la reconduction de l’exemption douanière, qui expire en juin. La contagion pourrait toucher d’autres pays en Europe. «Les (syndicats agricoles) italien et espagnol parlent aussi de manifestations», affirme la présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne, Christiane Lambert. Au Royaume-Uni, des producteurs de fruits et légumes ont manifesté lundi dernier devant le Parlement. Ils protestaient contre les contrats d’achats qui les lient à la grande distribution et qu’ils jugent «injustes». Ils estiment que seule une régulation forte imposée par le gouvernement britannique pourra permettre aux agriculteurs d’obtenir de meilleurs contrats avec la grande distribution. Si chaque pays a ses raisons qui lui sont propres, toutes ces situations résultent d’une «accumulation de mauvaises décisions», d’après Christiane Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles. «La Commission européenne n’écoute pas les agriculteurs», regrette-t-elle dans une interview avec la presse. «Dans l’ensemble de l’UE, on assiste à un empilement réglementaire (…) Cela vient s’ajouter aux conséquences de la crise sanitaire du Covid et de la guerre en Ukraine : les hausses des coûts de production et la perturbation des flux commerciaux», ajoute-t-elle. Bruxelles va tenter de prouver le contraire en organisant ce jeudi «un dialogue stratégique». Seront réunis des organisations agricoles, mais aussi le secteur agro-alimentaire, ONG et experts, afin de désamorcer la colère du monde rural.

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